Bon nombre d’entreprises à l’heure actuelle croissent si vite que leurs effectifs, tant les employés de longue date que les nouvelles recrues, ont du mal à composer avec les complexités et les exigences opérationnelles. Dans le secteur du service à la clientèle, cela n’est pas sans effet sur les activités de tous les jours; la durée des appels s’en ressent, la frustration des clients augmente et il s’ensuit une perte de revenus. L’accueil et l’intégration des nouveaux employés deviennent eux aussi un fardeau, puisqu’il faut des semaines, dans le cadre des programmes de formation, pour leur inculquer les connaissances nécessaires.

Une jeune entreprise canadienne entend résoudre ces problèmes en habilitant les employés par l’intermédiaire de sa solution logicielle infonuagique, ProcedureFlow. Nouvelle technologie issue de la société néo-brunswickoise Innovatia, ProcedureFlow utilise des diagrammes comportant des hyperliens pour faire des employés des experts dans les activités de leur entreprise.

La chef de direction Daniella DeGrace œuvre depuis longtemps dans le secteur des TI au Canada atlantique, ayant elle-même fait partie de deux des acquisitions les plus notables de la région. Opportunités NB (ONB) s’est récemment entretenue avec Daniella pour en apprendre davantage sur sa nouvelle entreprise et recueillir quelques-unes de ses impressions au sujet de l’entrepreneuriat.

ONB : Pouvez-vous nous expliquer exactement ce que fait ProcedureFlow?

DeGrace : Nous sommes un logiciel de gestion du savoir infonuagique qui aide vos employés à devenir des experts plus rapidement. Contrairement aux documents statiques et aux articles de bases de connaissances, ProcedureFlow est une carte visuelle qui permet à vos employés de naviguer facilement à travers votre information la plus complexe, s’annexant simultanément à vos systèmes administratifs actuels.

Imaginez prendre vos employés les plus productifs, vos experts, et cartographier la façon dont ils travaillent – intégrer ce qui fait d’eux des champions à vos procédures opérationnelles normalisées. Vous pouvez ensuite utiliser ProcedureFlow et votre nouveau processus optimisé pour former, accueillir et intégrer les nouveaux employés, et vous servir de cette source fiable unique pour guider l’ensemble de votre personnel dans le cadre des activités quotidiennes. Il en résulte une organisation synchronisée, fonctionnant de la façon la plus efficace et efficiente.

Nos diagrammes faciles à consulter représentent les meilleures connaissances accumulées par votre personnel, vous permettant d’accueillir et d’intégrer les nouveaux employés de la façon la plus efficiente qui soit.

Les clients de ProcedureFlow ont pu réduire de plus de 75 % le temps de formation et de 50 % le temps qu’il fallait aux nouveaux employés pour maîtriser leurs nouvelles fonctions, ce qui a engendré un accroissement de la satisfaction de la clientèle.

ONB : Le secteur des centres d’appels est donc votre principal marché cible?

DeGrace : En effet, oui. Il semblait logique de commencer par là, puisque c’est dans ce secteur que s’est faite l’incubation de notre produit et que ce dernier a fait ses preuves, grâce à l’expertise d’Innovatia et à son utilisation par la clientèle – notre propre version d’un « laboratoire vivant ». Dès le premier jour, les centres d’appels qui l’adoptent constatent un indéniable rendement du capital investi. C’est assez impressionnant pour une jeune d’entreprise de générer de tels résultats pour ses clients dans ses premiers mois de fonctionnement.

Au-delà des centres d’appels, d’autres marchés s’ouvrent également à nous. Quand on y pense, des processus sont utilisés partout au sein de l’entreprise, des RH aux finances en passant par les ventes et la conception de produits. Qu’il s’agisse de guider le déploiement de systèmes opérationnels complexes, d’établir une « source de vérité » unique à l’échelle de l’entreprise ou de normaliser le processus dans les ateliers de développement, nos clients atteignent tout un éventail d’objectifs d’affaires au moyen de ProcedureFlow.

ONB : Vous étiez dernièrement finaliste pour un prix KIRA dans le cadre de la Semaine de l’innovation du Nouveau-Brunswick. Nos félicitations!

DeGrace : Merci. Oui, nous étions absolument ravis de figurer parmi les finalistes pour le prix de la jeune entreprise la plus prometteuse. Cette activité novatrice offre aux entreprises locales en démarrage une vitrine des plus intéressantes. Le marché local des Maritimes est très important pour nous étant donné le succès qu’a connu le Nouveau-Brunswick pour ce qui est d’attirer de grands centres d’appels dans la province.

ONB : Au cours de la Semaine de l’innovation, vous avez aussi participé à une réunion d’experts centrée sur la progression d’une entreprise, de la phase de démarrage à son expansion. Pour ceux d’entre nous n’ayant pu y assister, pouvez-vous revenir sur certains des points abordés à cette occasion?

DeGrace : Oui; c’est toujours agréable de discuter avec David Baxter de Fiddlehead et Yves Boudreau de Alongside. Nous avons parlé de l’importance de comprendre ses marchés et de constituer une bonne équipe des ventes. J’ai souligné que les tests de marketing représentaient pour nous un impératif clé. Lorsqu’une entreprise en démarrage prend de l’expansion, on ne sait pas encore quelles en seront les priorités en matière de marchés ni d’où proviendra l’essentiel des revenus. Il faut multiplier les études de commercialisation pour mieux comprendre les marchés et s’assurer de cibler le bon. Cela s’applique notamment à votre stratégie de vente et de génération de pistes; ne vous contentez pas de choisir une méthode pour vendre à votre marché en présumant que c’est la bonne. Essayez différents canaux pour déterminer lesquels sont les meilleurs.

Je conseille aussi aux fondateurs de ne pas se presser pour embaucher. S’il leur faut davantage de temps pour trouver les bonnes personnes, ils doivent prendre le temps nécessaire, parce que c’est ce qui constituera le fondement de leur culture.

Finalement, j’ai parlé de l’importance de se doter d’un conseil d’administration. Avoir un conseil d’administration vous force à établir un plan et à travailler dessus – une discipline qui, au bout du compte, vous rapportera. Si vous avez sélectionné les bonnes personnes pour en faire partie, ses membres vous feront profiter de connaissances des plus précieuses – allant d’une expertise financière aux sources de financement à envisager en passant par des conseils sur les ventes et une expertise du domaine, dans la mesure où vous avez inclus des experts verticaux. Nous avons la chance d’avoir, dans notre conseil d’administration, des personnes qui ont fait carrière dans le secteur des centres d’appels. C’est une chance incroyable pour nous de pouvoir les consulter tandis que nous développons notre produit et élaborons notre stratégie.

ONB : Il semble que les jeunes entreprises et l’entrepreneuriat suscitent un grand enthousiasme dans la région. Beaucoup attribuent cela à l’acquisition de deux entreprises spécialisées dans la technologie dont vous faisiez partie, Q1 Labs (IBM) et Radian6 (Salesforce.com).

DeGrace : Ces deux aboutissements ont certainement été des réussites phénoménales pour le Nouveau-Brunswick, mais je crois que dans mon cas, l’enthousiasme remonte un peu plus loin; c’est avec Gerry Pond et le programme LivingLAB de NBTel que tout a commencé. Si vous prenez des gens comme moi et mes pairs d’iMagicTV, nous avons tous, d’une façon ou d’une autre, bénéficié du mentorat de Gerry Pond et de sa passion contagieuse pour l’innovation. De cette première expérience de démarrage iMagicTV est issue une équipe d’entrepreneurs impatients de réitérer l’expérience et de cadres pleins d’entrain qui sèment maintenant d’autres graines, celles de leurs propres entreprises. C’est comme ça qu’un écosystème croît.

Il y a eu un véritable changement ici dans la façon dont nous percevons l’entrepreneuriat. Parallèlement, l’écosystème s’est lui aussi transformé, pour le mieux. Qu’il s’agisse d’organismes comme le Centre Pond-Deshpande ou d’ONB et d’autres domaines du secteur public, la diversité des services et mentors maintenant à notre disposition est incroyable. C’est la quatrième entreprise que je démarre, et je ne peux vous dire à quel point c’est encourageant de pouvoir recevoir le type de soutien dont nous profitons maintenant. À mes débuts, ce système de soutien était loin d’être aussi fort.

La FINB, l’un de nos principaux investisseurs, est un autre organisme auquel nous sommes incroyablement reconnaissants. Elle est représentée au sein de notre conseil d’administration, apportant une expertise financière pour l’élaboration de notre stratégie. Sans son aide nous n’aurions pas pu essaimer d’Innovatia, incubateur de ProcedureFlow.

ONB : Vous avez mentionné ONB; pouvez-vous commenter un peu plus cette relation?

DeGrace : ONB a été d’un grand soutien pour nous. Nous avons eu la chance de nous voir assigner des gens merveilleux, et ça m’encourage de voir le dynamisme dont font preuve nos représentants pour nous aider à croître. Ensemble, nous nous efforçons sans arrêt de sortir l’entreprise de sa zone de confort. Votre aide au développement des exportations nous permettra d’accélérer la vitesse à laquelle nous prendront d’assaut les marchés extérieurs à la province, particulièrement avec nos efforts en matière de vente et de marketing. 

ONB : Parlons du Nouveau-Brunswick. Êtes-vous originaire d’ici?

DeGrace : Oui, je viens de Beresford. J’ai vécu à différents endroits dans le monde; six ans à Montréal, un à Ottawa, deux en Californie, six à Paris et deux au Japon. Finalement, j’ai choisi de rentrer chez moi.

ONB : Pourquoi revenir au Nouveau-Brunswick?

DeGrace : Essentiellement pour la communauté, les gens d’ici. Les quatre jeunes entreprises avec lesquelles j’ai travaillé étaient basées ici, et j’ai été, pour chacune, responsable de la satisfaction de la clientèle. L’un des commentaires qui revenaient sans arrêt de la part des clients, dans tous les rôles, c’est qu’il était agréable de traiter avec nous. On entend fréquemment dire que les gens de la région sont amicaux; c’est un cliché parce que c’est vrai; nous prenons soin de nos clients. Nous sommes des gens très charmants, caractéristique profondément enracinée dans notre identité en tant que Néo-Brunswickois. J’ai vécu dans plusieurs pays, alors je crois pouvoir dire sans me tromper que la région est spéciale à cet égard. 

ONB : Vous avez fait partie de tant d’entreprises en démarrage prospères; quels seraient vos meilleurs conseils pour les entrepreneurs en devenir?

DeGrace : Entourez-vous, à toutes les étapes de la croissance, des meilleures personnes que vous pourrez trouver et aurez les moyens de vous payer. Commencez par comprendre le ou les problèmes du client que vous souhaitez résoudre. Ça peut sembler évident, mais il y a encore des gens qui inventent quelque chose de « cool » puis essaient, après coup, de trouver quel problème ce produit permettra de régler. Ce n’est pas parce que vous croyez avoir une idée de génie que qui que ce soit d’autre sera du même avis. Assurez-vous de tester votre marché et de raffiner votre offre en conséquence.

N’ayez pas peur d’échouer. Bien sûr vous voulez réussir, mais beaucoup de gens hésitent à prendre le risque et sont gênés par leur peur de l’échec. Ils pensent que s’ils échouent, leur réputation sera entachée pour toujours – alors qu’en fait ce n’est pas le cas. Les gens respectent ceux qui essayent de voler de leurs propres ailes. Le truc, si vous échouez, c’est d’en tirer des leçons. Apprenez rapidement et ajustez-vous. Le démarrage d’une entreprise exige beaucoup de travail – cœurs sensibles s’abstenir! – mais l’expérience qu’on en tire est unique.

ONB : À l’occasion de notre récente discussion, Shawn Carver de Fidddlehead a affirmé que les fondateurs doivent « aimer leur problème et pas tant la solution », ce qui était d’après nous un judicieux conseil.

DeGrace : C’est une belle citation, et je suis entièrement d’accord avec le sentiment qu’elle exprime. Avant de commencer à bâtir quoi que ce soit, assurez-vous que le problème soit vraiment pressant pour votre marché cible.