Mise à jour : le 10 mai – David Brown est parmi les récipiendaires de 2017 du Prix du Gouverneur général pour l’innovation. Ce message a été publié au début de l’année 2016 et il est republié dans le cadre de la Semaine de l’innovation du Nouveau-Brunswick
L’entreprise de biotechnologie Mycodev Group de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, se consacre à la commercialisation d’un ingrédient pharmaceutique polyvalent que l’on appelle le chitosane. David Brown, cofondateur et directeur de la technologie, explique que son entreprise produit le chitosane selon une nouvelle technique, c’est-à-dire entièrement à partir de champignons.
On pourrait faire un parallèle avec les méthodes de brassage de la bière, en ce que Mycodev fait pousser de grandes quantités de champignons selon un processus de fermentation submergée. De là est extrait le chitosane, qui est vendu sous forme de poudre.
David Brown a fondé Mycodev il y a trois ans, conjointement avec son partenaire d’affaires Brennan Sisk, qui en est le PDG. Ils sont tous deux originaires du Nouveau-Brunswick et ils sont absolument ravis de connaître un succès entrepreneurial dans leur propre province.
Opportunités NB (ONB) s’est récemment entretenue avec David Brown pour en apprendre davantage.
ONB : Commençons d’abord par discuter un peu plus en détail du chitosane. Quelles en sont exactement les applications?
Brown: Le chitosane a toute une gamme d’applications, notamment dans les traitements oncologiques et génétiques, la guérison des plaies, les lentilles cornéennes et les vaporisateurs nasaux. Nous sommes exclusivement un fabricant d’ingrédients et nous mettons tous nos efforts à produire le chitosane le plus pur sur le marché. L’un des principaux avantages de notre chitosane est qu’il s’agit d’un produit non animal. La majorité du chitosane produit actuellement est issu des coquilles de crustacés comme la crevette et le crabe. Ce type de chitosane s’accompagne de problèmes inhérents, comme la présence potentielle d’allergènes de crustacés. Il pourrait aussi y avoir un problème de métaux lourds, comme l’arsenic et le mercure, que l’on trouve couramment dans les fruits de mer.
ONB : Comment vous est venue l’idée? Qu’est-ce qui a suscité la création de Mycodev?
Brown : Je venais tout juste de revenir au Nouveau-Brunswick après avoir obtenu mon diplôme de l’Université de l’Alberta, à Edmonton. J’avais commencé à réfléchir au chitosane quand j’étais dans l’Ouest à l’occasion d’un concours scientifique organisé par le MIT. Je me suis informé sur le marché du chitosane, sur les diverses utilisations de cet agent et les problématiques actuelles en ce qui a trait à l’approvisionnement dans le milieu médical.
Je savais que les champignons étaient une autre source possible, mais personne n’avait songé à en faire la fermentation à grande échelle pour en extraire le chitosane.
Dès mon retour au Nouveau-Brunswick, j’ai mis en ligne un site Web dépouillé et plutôt mal conçu au sujet de mon plan de produire ce chitosane de source non animale pour l’industrie pharmaceutique et les technologies médicales. En seulement quelques jours, et malgré la qualité de mon site, j’ai reçu des appels de plusieurs entreprises américaines qui voulaient connaître les détails et la disponibilité du produit. Il y avait donc dès le départ un fort intérêt sur le marché, les membres de l’industrie étant à la recherche d’une solution de rechange au chitosane dérivé des crustacés.
J’étais passablement engagé sur la scène entrepreneuriale à Edmonton et j’ai décidé que c’était la voie que je voulais suivre; je ne voulais pas décrocher un poste, je voulais plutôt créer mon propre emploi.
ONB : Pourquoi avoir lancé votre entreprise au Nouveau-Brunswick plutôt que dans l’Ouest?
Brown : Initialement, j’étais revenu ici pour des raisons familiales. Or, une fois le processus enclenché, j’ai commencé à voir les avantages de lancer mon entreprise au Nouveau-Brunswick. Ce que j’ai remarqué, entre autres, c’est la rapidité avec laquelle on peut accomplir certaines choses, ici, en tant qu’entrepreneur. En raison de la petite taille de la province, tout le monde se connaît dans le milieu des affaires. Le gouvernement, par exemple, règle certaines choses assez vite. S’il nous faut parler à un employé d’ONB ou de certains ministères, le contact se fait rapidement. Lors de mon aventure entrepreneuriale dans l’Ouest, j’ai constaté que les délais pour ce genre de chose étaient plus longs. Il m’a semblé y avoir davantage de lourdeurs administratives et des temps d’attente plus longs; il fallait un certain temps avant de pouvoir rencontrer en personne des employés du gouvernement. Le Nouveau-Brunswick offrait donc un avantage capital à cet égard.
J’ai également fini par me rendre compte que le Nouveau-Brunswick est un lieu propice à la biotechnologie au Canada. La majorité de nos premiers clients sont dans la région de la Nouvelle-Angleterre, et le Massachusetts est un carrefour notable de la biotechnologie. De nombreuses entreprises médicales et pharmaceutiques y sont présentes, donc notre emplacement au Nouveau-Brunswick est efficace du point de vue de la logistique.
ONB : Parlons des premières entreprises à avoir adopté votre produit. Que font-elles avec votre chitosane?
Brown : Sans nommer de noms, je peux vous dire que nous avons des clients (dont un au Nouveau-Brunswick) œuvrant principalement dans les produits thérapeutiques anticancéreux, la thérapie génique, l’administration de médicaments et, fait intéressant, certains produisent des dispositifs médicaux pour le soin des plaies recourant au chitosane pour faire arrêter les saignements chez les patients. Le chitosane est un bon hémostatique, ce qui fait que, en combinaison avec d’autres ingrédients, il peut être transformé en gel, en mousse ou en lotion à vaporiser qui seront appliqués sur les lacérations. Il met fin aux saignements en formant un caillot très solide en l’espace de 30 secondes, et même parfois plus rapidement.
Les possibilités pour l’armée sont également importantes. Lorsqu’un soldat de première ligne est blessé, cela peut prendre des heures avant qu’il ne puisse être transporté vers en centre médical adéquat, et il pourrait bien perdre tout son sang dans ce délai.
ONB : Nous sommes toujours enthousiastes à l’idée de discuter de l’écosystème qui soutient les jeunes entreprises et les entreprises émergentes au Nouveau-Brunswick. Quels autres partenariats y avez-vous formés?
Brown : C’est une bonne question. Il s’agit là d’un autre avantage à exploiter une entreprise au Nouveau-Brunswick : les partenaires de soutien. Je commencerais par BioNB, qui est le groupe industriel pour les entreprises de biotechnologie dans la province. Cette société a grandement fait notre promotion et elle nous a été d’une aide incommensurable pour démarrer.
Je ne connaissais personne dans le secteur de la biotechnologie à mon retour dans la province. L’une des premières réunions que j’ai eues, c’était avec Meaghan Seagrave, directrice exécutive de BioNB. Elle connaît tout le monde et elle peut vous mettre en contact avec les bonnes personnes. Elle sait où se trouvent les espaces de laboratoire disponibles, à quels professeurs s’adresser dans les universités, etc. C’est à une activité organisée par BioNB que j’ai rencontré Brennan, qui est devenu le cofondateur de mon entreprise. J’ai présenté mon idée devant un auditoire restreint, et il en faisait partie.
Nous avons également réalisé une bonne part de nos activités de recherche et de développement à l’établissement situé à Grand-Sault du CCNB – campus d’Edmundston. Le Centre précommercial de technologies en bioprocédés qui y est en place constitue une ressource d’envergure pour les entreprises de biotechnologie et un atout de taille pour la province. Sans son soutien et ses capacités, nous ne serions assurément pas à un stade aussi avancé actuellement.
Il y a aussi les universités, plus précisément l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) qui a des campus à Fredericton et à Saint John ainsi que l’Université de Moncton. Nous avons collaboré avec les départements de chimie de ces établissements pour les analyses de notre chitosane. Le campus de Fredericton de l’UNB s’occupe actuellement d’une bonne part de nos analyses hebdomadaires systématiques. Sans ces départements, nous serions forcés d’envoyer des échantillons jusqu’en Ontario ou même aux États-Unis, ce qui serait à la fois plus coûteux et plus chronophage.
Enfin, j’aimerais mentionner l’apport de la Fondation de l’innovation du Nouveau-Brunswick (FINB). Il s’agissait de notre premier investisseur, et nous étions la première entreprise de biotechnologie dans laquelle elle investissait. Traditionnellement, elle était davantage axée sur le secteur des technologies de l’information, étant donné que le Nouveau-Brunswick y a connu toute une croissance; nous étions donc emballés de recevoir un investissement de sa part. Elle ne se présente pas comme une spécialiste du secteur de la biotechnologie, mais elle a su voir un réel potentiel dans Mycodev et elle nous est un bon partenaire.
ONB : Quelle a été la plus grande difficulté à laquelle votre entreprise a été confrontée jusqu’à présent?
Brown : Au début, il a été difficile de convaincre les gens que le secteur de la biotechnologie convenait bien à la province. Le Nouveau-Brunswick possède de nombreuses ressources qui la rendent parfaitement adaptée à l’industrie de la biotechnologie, et je crois que c’est une bonne combinaison pour améliorer le tableau économique général de la province.
La biotechnologie est l’un de ces secteurs qui, une fois établis, sont là pour rester, car elle requiert une infrastructure physique assez imposante. D’autres secteurs se déménagent plus facilement parce qu’il ne leur faut que des ressources humaines et, dans certains cas, ces ressources peuvent se trouver n’importe où. Mycodev illustre bien ce dont je parle. Nous avons investi énormément pour établir notre siège social à Fredericton, et il y a de fortes chances pour que notre emplacement nous plaise encore longtemps. Les emplois dans le domaine sont habituellement bien rémunérés aussi, donc nous pourrions attirer de nombreuses personnes intelligentes et éduquées dans la région.
BioNB continue de promouvoir l’industrie, et je crois que de plus en plus de gens commencent à constater les avantages. Je suis plutôt heureux de voir la province et la FINB manifester un intérêt croissant à l’égard de la biotechnologie; c’est encourageant.
ONB : Pour conclure, quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner aux autres entrepreneurs de la région?
Brown : Prenez le risque. De nombreuses personnes ont des idées fantastiques, mais les laissent au fond de leurs tiroirs, et c’est vraiment dommage. Il y a des innovateurs dans la province et, s’ils mettaient leurs idées à exécution, je crois que nous serions surpris de voir le nombre d’histoires de réussite que nous récolterions. Je suis conscient qu’il peut être terrifiant de se lancer dans l’aventure. Ce n’est pas facile de passer d’un emploi stable à temps plein vers une nouvelle entreprise sans filet de sécurité, mais, si vous avez une idée géniale, allez-y, plongez!
Aussi, trouvez de bonnes personnes pour combler vos lacunes sur le plan des connaissances. Comme mon propre bagage était dans le domaine des sciences, je savais d’emblée qu’il me fallait un partenaire ayant un sens aigu des affaires. Par chance, j’ai trouvé Brennan lorsque je suis revenu au Nouveau-Brunswick; il possédait l’expérience en affaires dont j’avais besoin pour mon entreprise.
Lorsque je parle à des étudiants en sciences qui se posent des questions entrepreneuriales, je leur dis de se concentrer sur leur idée et de se trouver un partenaire d’affaires. Les scientifiques et les ingénieurs ne sont pas vraiment des gens d’affaires. Il leur faut trouver un cofondateur orienté sur les affaires s’ils veulent réussir à commercialiser leurs idées.
Écrit par Jason Boies
Images : Mycodev