Caleb Grove a grandi en Afrique et a vécu au Cameroun pendant presque dix ans. Pendant qu’il s’y trouvait, il a mis au point une solution d’énergie renouvelable qui allait devenir la pierre angulaire de sa jeune entreprise : Mbissa Energy Systems. Son objectif : électrifier l’Afrique rurale, qui n’a jamais vu le courant.

À son retour au Canada, il a pu donner vie à son idée avec l’aide du solide réseau entrepreneurial du Nouveau-Brunswick. Grove a déjà lancé un projet pilote sur l’île de Mbissa et se dit prêt à aller de l’avant avec la croissance.

Opportunités NB (ONB) s’est entretenue avec Grove afin d’en apprendre davantage.

ONB : Parlez-nous du statut du projet pilote.

Grove : Nous avons maintenant l’infrastructure nécessaire pour fournir du courant aux 3 000 résidents de Mbissa. Je suis revenu au Nouveau-Brunswick pour terminer ma maîtrise, et j’ai maintenant trois Camerounais qui accomplissent le travail nécessaire pour brancher tout le monde; des résidences se font brancher au moment même où on se parle. Nous débutons lentement pour voir comment le modèle fonctionne; nous examinons ce qui va bien et ce qui nécessite des ajustements. Nous nous fonderons ensuite sur ce que nous avons appris sur l’île et cheminerons à partir de là.

ONB : Quelle est la principale source de production énergétique? 

Grove : L’énergie solaire est la ressource primaire, mais nous explorons l’éolienne depuis un moment, tout comme l’hydroélectrique. Le fait est qu’ils sont si près de l’équateur que leur capacité à capter l’énergie solaire est sans parallèle. L’énergie solaire était une façon rapide de démarrer le projet et de valider notre modèle. Nous espérons mettre en œuvre des solutions d’énergie éolienne et d’hydroélectricité en 2017. Nous avons étudié quatre prototypes de turbines éoliennes et en avons maintenant une qui tourne assez bien; elle est très près du point où nous pourrons la commercialiser.

ONB : Les implications de la fourniture d’électricité dans les régions qui n’ont jamais vu l’électricité doivent être énormes. 

Grove : Imaginez-vous que du jour au lendemain vous avez du courant électrique dans votre maison. Les gens là-bas achètent du kérosène pour les lanternes et la famille se rassemble le soir autour d’un feu de cuisine. Le kérosène est coûteux et mauvais pour la santé, car on en respire la fumée. Ces gens peuvent maintenant jouir d’un meilleur éclairage, non dommageable pour la santé et à meilleur prix. Nous avons été en mesure de prendre ces coûts et de les amener aux entreprises qui possèdent l’infrastructure; les coûts demeurent donc faibles pour les gens de l’Afrique de l’Ouest. Pour une petite somme d’argent, ils pourront remplacer un besoin constant d’acheter du kérosène par quelque chose de moins coûteux et de meilleur pour la santé, et de beaucoup plus clair.

L’époque où les gens dormaient et se réveillaient avec le soleil est révolue; ils peuvent désormais travailler et vaquer à leurs activités à leur gré. Pour les étudiants, ce sera un avantage énorme. Ils vivent dans des régions qui dépendent de la pêche et de l’agriculture pour vivre. Ils peuvent aller travailler dans les champs et les lacs pendant le jour comme d’habitude, mais peuvent maintenant revenir à la maison et étudier le soir avec un éclairage adéquat. L’éducation est la clé pour faire évoluer les collectivités et les étudiants venant de Bambalang (le village dans lequel est située Mbissa) jouiront donc d’avantages réels.

J’ai des tonnes d’histoires datant de la période où je vivais en Afrique, qui seraient différentes si l’électricité avait été disponible. De l’homme qui s’est fait mordre par un serpent qu’il n’a pas vu dans la pénombre à la personne qui n’a pu conclure une affaire parce que le simple fait de téléphoner représentait tout un défi. L’électricité change tout.

ONB : Parlez-nous de votre expérience avec l’écosystème entrepreneurial du Nouveau-Brunswick.

Grove : J’ai participé au Programme de gestion des technologies et d’entrepreneuriat de l’UNB pendant des années. Je poursuis ma maîtrise dans le cadre de ce programme. C’est ce programme qui m’a permis de transformer cette idée en une réalité. L’ingénieur Dhirendra Shukla, particulièrement, a joué un rôle essentiel dans le développement de l’énergie de Mbissa.

Le Nouveau-Brunswick n’est pas une grande région et il est plus facile de mobiliser son réseau pour aller plus loin ici que ce ne le serait dans les grandes villes. Grâce à des gens comme M. Shukla par exemple, il a été facile d’établir des liens dans tous les domaines; il a vraiment à cœur les entrepreneurs qui sortent du Programme de gestion des technologies et d’entrepreneuriat et du Nouveau-Brunswick.

J’encourage mes pairs, ainsi que les jeunes gens qui songent à poursuivre des études, à explorer les ressources qui sont disponibles ici, surtout par l’intermédiaire du Programme de gestion des technologies et d’entrepreneuriat. Je suis venu d’Afrique avec une idée en tête, celle-ci a germé et porte maintenant ses fruits en Afrique. Si vous avez une idée d’envergure mondiale, celle-ci peut toujours voir le jour dans un endroit comme le Nouveau-Brunswick. Cette base a été créée ici.

Il y a eu des moments où les gens me disaient que c’est ridicule d’essayer d’exploiter une entreprise en Afrique, du moins une qui puisse perdurer dans un modèle non éprouvé. Peu importe en quoi consistera la prochaine jeune entreprise à être démarrée, il y aura toujours des gens qui n’y croiront pas. Toutefois, cela a rendu notre réussite d’autant plus encourageante. En prenant des risques et en sortant de notre zone de confort, il nous est possible d’être partie prenante dans des choses étonnantes.

ONB : Avez-vous des plans pour l’avenir?

Grove : Nous sommes actuellement en affaires avec le nouvel accélérateur de Fredericton, Energia Ventures. Je serai pas mal occupé cette année, avec ce projet et la poursuite de ma maîtrise.

J’aspire à retourner au Cameroun et à faire croître mon entreprise d’ici la fin de 2017 ou le début de 2018. Mon équipe qui se trouve là-bas finira de brancher les résidents de Mbissa à notre infrastructure, ce qui signifie que nous avons réussi à fournir de l’électricité dans les zones les plus difficiles d’accès de cette région. À partir de là, il s’agira de parfaire la technologie, il y a un énorme potentiel de croissance, j’essaie juste de convenir du meilleur moyen de le faire de façon évolutive. Ce sera, sans l’ombre d’un doute, une année des plus palpitantes.

Images provenant de Caleb Grove