De nos jours, les nouveaux produits et recherches liés à la technologie prêt-à-porter sont omniprésents. Certains produits connaissent un succès retentissant alors que d’autres sont confrontés à des défis de R.-D. qui supposent leur refonte. Les réelles questions pourtant sont de savoir quelle est la valeur de ces produits pour le secteur des soins de santé et comment gérons-nous notre propre santé? Excellentes questions, n’est-ce pas?

C’est justement pour obtenir des réponses et savoir comment le Nouveau-Brunswick compte assurer la réussite de cette industrie fascinante que nous avons rencontré M. Erik Scheme, Ph. D., titulaire de la chaire de recherche sur l’innovation au Nouveau-Brunswick en matière de dispositifs médicaux et de technologies médicales, à l’Université du Nouveau-Brunswick, à Fredericton. Nous remercions M. Scheme d’avoir répondu à nos questions. Ce nouveau secteur le tient terriblement occupé!

ONB: En 2014, la Fondation de l’innovation du Nouveau-Brunswick vous confiait la chaire de recherche sur l’innovation au Nouveau-Brunswick en matière de dispositifs médicaux et de technologies médicales. Quelle place réserve-t-on à la technologie prêt-à-porter dans ce secteur?

Nouveau-Brunswick santeM. Scheme: Curieusement, mon champ de recherche n’est pas spécifiquement la technologie prêt-à-porter. J’ai une expertise en traitement des signaux biologiques et en interfaces homme-machine, que ce soit sous forme de reconnaissance de la parole, de biométrie ou du contrôle neural de prothétiques. Le lien avec la technologie prêt-à-porter va de soi, puisque cette dernière repose principalement sur une interface homme-machine.

Il faut toutefois faire preuve de circonspection, car à mesure que le marché commercial de la technologie prêt-à-porter fleurit nous associons de plus en plus cette technologie aux outils de suivi de la forme physique et aux verres intelligents. L’écart est immense entre ce type de dispositifs grand public et la véritable technologie médicale qui est soumise à un processus d’approbation réglementaire rigoureux avant de pouvoir servir au diagnostic, au contrôle et au traitement de maladie.

Votre rôle consiste à positionner le Nouveau-Brunswick à titre de chef de file en matière de recherche, d’innovation et de commercialisation des dispositifs médicaux et de technologies médicales. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce rôle et vos travaux de recherche en cours?

Bien sûr. Il s’agit d’un programme de longue haleine. Évidemment, le parcours sera semé d’embûches, mais je pense que le Nouveau-Brunswick a de quoi se réjouir. Découlant de nos réussites dans le secteur des technologies de l’information et des communications (TIC), nous sommes déjà témoins de l’établissement d’entreprises au Nouveau-Brunswick en raison de nos idées novatrices et du dévouement des Néo-Brunswickois. Ajoutez à cela des recherches de pointe en sciences médicales et biologiques menées aux quatre coins de la province et notre renommée internationale en techniques de réadaptation et vous obtenez un environnement propice aux retombées économiques durables. L’élément clé est l’établissement d’un modèle pour attirer et garder des entreprises au Nouveau-Brunswick, ainsi que pour soutenir les petites et moyennes entreprises qui veulent développer une technologie médicale dans notre province.

Nous comptons déjà sur quelques centres de soutien exceptionnels dans la province destinés autant aux entrepreneurs qu’aux chercheurs en médecine et sciences biologiques, lesquels vont bien au-delà des attentes pour contribuer à concrétiser les projets. Plus nous recrutons des personnes à notre cause, plus je suis épaté du nombre de personnes compétentes, qualifiées et chevronnées qui sont prêtes à contribuer aux travaux dans ce secteur.

De façon générale, on s’attend à une croissance de l’industrie de la technologie prêt-à-porter à hauteur de 38 % en 2015 et de 145 % d’ici 2018, par rapport à 2014. Quelles sont vos projections pour le secteur médical?

Je pense que la croissance du secteur de la technologie médicale ira dans le même sens. De plus en plus, les entreprises établies et en démarrage misent sur la santé et la technologie. Non seulement le système de soins de santé profite de l’émergence de nouvelles technologies fascinantes, mais aussi d’occasions très lucratives d’innovation à partir des technologies existantes lui permettant de générer des économies de coûts et de gagner en efficacité. Selon moi, certaines technologies prêt-à-porter et certains détecteurs et dispositifs médicaux mobiles vont rendre plus accessible la recherche en santé. Éventuellement, nous assisterons à l’émergence d’un réel mouvement global de démocratisation des soins de santé.

Pensez-vous que votre domaine de travail et celui de vos collègues pourraient complètement bouleverser le secteur médical et la façon dont on entreprend le traitement médical des patients?

Nous aimerions y croire. Certes, nous sommes témoins d’une certaine impulsion en faveur de l’informatique de la santé, qui provoque déjà des changements de culture relatifs à l’information sur la santé; et je me réjouis à l’idée de fournir aux médecins des dispositifs médicaux procurant des données objectives et contextualisées. Il importe toutefois de cerner nos forces collectives et d’exploiter à fond nos domaines d’expertise. Si vous regardez ailleurs dans le monde, vous constatez que le vrai changement, le bouleversement, se produit dans les régions qui se sont spécialisées à l’extrême. Nous serions naïfs de prétendre devenir les meilleurs dans un domaine aussi vaste que celui des dispositifs médicaux, mais si nous misons pleinement sur nos forces, je pense que nous pouvons développer un créneau.

À la Institute of Biomedical Engineering de l’Université du Nouveau-Brunswick, nous savons que nos forces sont la réadaptation, la mobilité et la surveillance, mais il ne s’agit que d’une pièce du casse-tête. Nous sommes en train d’organiser une rencontre du type « état de la science » afin de réunir toutes les parties prenantes – entrepreneurs, médecins, chercheurs et centres de recherche – dans le but de faire le point sur les axes sur lesquelles nous devrions nous concentrer en tant que province.

À l’heure actuelle, on parle beaucoup des appareils prêt-à-porter servant à divers usages, allant de l’examen intraveineux, à la mesure de l’hydratation, en passant par l’observation de la conduite du sommeil et le moniteur de fréquence cardiaque et d’activité physique, voire le contrôle de la température corporelle. Quels seront les points de mire de votre équipe?

C’est une bonne question. Comme je l’ai mentionné, les forces de l’institut sont la réadaptation, la mobilité et la surveillance. Mon intérêt porte donc inévitablement sur ces domaines. Cependant, mon rôle à titre de titulaire de la chaire est de travailler avec l’industrie afin de cerner de nouvelles occasions d’innovation et de contribuer à développer un avantage concurrentiel au moyen de la R.-D.

Les petites entreprises de dispositifs médicaux doivent travailler d’arrache-pied pour commercialiser un produit. Il est encore plus difficile de prendre le risque de réaffecter les ressources de ce produit dans une nouvelle idée. L’innovation continue est essentielle dans l’industrie de la technologie médicale; il est impossible de survivre si l’on se contente d’améliorer progressivement une gamme de produits. J’aimerais aider les entreprises du Nouveau-Brunswick à établir un écosystème qui les aidera à commercialiser leur premier produit tout en leur permettant de compenser les risques liés à la R-D du projet produit. En somme, je me montre flexible en ce qui concerne les objets de recherche, pourvu que la démarche soit scientifique et que la recherche contribue à bâtir l’économie du Nouveau-Brunswick. Si l’institut n’a pas l’expertise dont ont besoin certaines entreprises, je les aiderai à trouver un expert et je tirerai moi-même un apprentissage de cette expérience, du moins je l’espère.

À quel point pensez-vous que les employeurs, les compagnies d’assurances, voire l’appareil judiciaire, se serviront des données fournies par la technologie prêt-à-porter qui surveille et contrôle diverses statistiques sur la santé?

Les données contextualisées, enregistrées furtivement, au travail et à la maison, fourniront aux fournisseurs de soins une bien meilleure vue d’ensemble de l’état de santé. Les appareils mobiles et prêt-à-porter permettront aux patients d’établir un diagnostic simple dans le confort de leur maison et, avec un peu de chance, allégeront le fardeau du système de soins de santé. L’accès à de telles données aux fins d’analyse à forte valeur sera inestimable pour comprendre les tendances régionales et mondiales en matière de santé, et pour valider et améliorer les divers traitements.

Je crois cependant que cette technologie soulèvera des débats fort intéressants en matière de droit d’accès à l’information sur la santé. Compte tenu des avantages de l’accès à des données objectives et in situ sur la santé, les patients seront mieux outillés pour gérer eux-mêmes leur maladie chronique ou se motiver pendant leur guérison. D’autre part, on peut se demander si les employeurs pourront utiliser ces données pour imposer un retour plus rapide au travail ou si les compagnies d’assurances s’en serviront pour rejeter des demandes d’indemnité.

Voyez-vous poindre un réseau néo-brunswickois qui mette l’accent sur les diverses facettes de l’écosystème propice à l’émergence de la technologie prêt-à-porter? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Nous voulons développer un réseau autour des champs de compétence provinciaux. Nous allons réunir tous les acteurs du secteur des technologies médicales dans le but, nous l’espérons, de définir un champ commun dans lequel nous pourrions réellement nous investir. Je m’attends à ce que la technologie prêt-à-porter ait une place de choix dans ce réseau, tout simplement parce que la multidisciplinarité de la santé, de la technologie mobile et des TIC laissent beaucoup de place à l’innovation.

Avez-vous autre chose à ajouter sur vos travaux de recherche, votre travail ou vos projections pour l’avenir?

Ce ne sera pas sans une bonne dose d’embûches et de coopération, mais je crois qu’il est vraiment possible de bâtir ce secteur au Nouveau-Brunswick. Nous avons des chercheurs et des précurseurs de renommée mondiale, ainsi que des centres de soutien dévoués. Il nous faudra encore parfaire nos connaissances sur l’investissement et la commercialisation des appareils médicaux, mais nous comptons sur des personnes très compétentes à ce chapitre. En définitive, si nous maintenons le cap et nous entourons de bonnes personnes, nous sommes sûrs de pouvoir réaliser de grandes choses.

Écrit par Heather MacLean